LA LIBERATION DE LA DOREE le 5 Aout 1944
Le contexte :
Le 6 Juin 1944 débute l’opération Overland avec le débarquement allié en Normandie.
Du 6 au 13 aout 1944 a eu lieu la bataille de Mortain, nom de code « opération Liège », bataille décisive qui a en partie signé la défaite de l’Allemagne nazie.
« C’était un feu d’artillerie, un déluge de bombes, c’était terrifiant »
Certains habitants dormaient dans les greniers, dans les fossés ou les chemins creux. Des tranchées avaient été creusées dans les jardins pour se protéger si besoin.
Tout était préparé pour partir : carriole chargée de vêtements, de nourriture, objets divers….
Le jour, il fallait se montrer discret, se cacher sous les pommiers quand les avions passaient en rase motte
« La peur était tout le temps présente »
L’arrivée des Américains :
Le 5 aout 1944, les troupes américaines arrivent par Landivy et Fougerolles. Les Doréens étaient occupés aux travaux des champs, couper l’avoine…
« Nous étions surpris par l’importance de leur matériel qui par endroit défonçait nos petites routes »
« Sur un char, j’ai reconnu le gars Coupé de Landivy. Il suivait les Alliés et portait un foulard rouge pour se distinguer des Américains »
Gaston Coupé était très actif aux côtés de la Résistance, il avait paraît-il récupéré sur son dos un aviateur blessé alors que les Allemands se trouvaient de l’autre côté du talus.
« Nous avons applaudi nos gentils libérateurs avec des drapeaux français et des fleurs. Les soldats nous ont offert chewing-gums que nous n’avions jamais goutés, des boîtes de conserves, des cigarettes »
« Nous étions surpris par les Noirs américains, nous n’en avions jamais vus, ils étaient bons nageurs, étaient doués pour la pêche »
Les combats :
Le village de La Lande, en hauteur, avait une position stratégique intéressante pour surveiller les environs. D’ailleurs, à un certain moment, les Allemands s’y seraient cantonnés.
« Mon père m’a dit un jour que Rommel avait dû passer par ici »
Les Américains avaient installé dans ce village un terrain d’atterrissage pour protéger leurs avions
La piste d’atterrissage était de 700 mètres à peu près. Une dizaine d’avions pouvaient arriver de jour comme de nuit
« Avant de partir, les Américains nous ont fait une démonstration de vols acrobatiques. C’était pire qu’une kermesse »
Le cantonnement pour ravitailler les avions se trouvait à Bouessay. Parfois, on leur volait de l’essence. Les Américains en donnaient de temps en temps. Certains les trahissaient. Pour avoir de l’essence, ils leur offraient ‘ une goutte’ ; ils en buvaient sans connaître les effets de l’eau de vie.
« Ils disaient cognac, cognac »
A La Lande a eu lieu un jugement. Un Allemand avait volé à une réfugiée qui avait 4/5 enfants sa charrette et sa jument. Elle a porté plainte près des responsables allemands. Le voleur, un jeune soldat de 20 ans a été retrouvé ; malgré ses pleurs et ses cris, il a eu comme punition de monter tout de suite au front
« On ne devait pas prendre les biens des réfugiés »
De nombreuses bombes ont été larguées entre les Vaux et la Gonardière et dans d’autres endroits de la commune.
« On était aux 400 coups »
Dans le village de La Piffetière, on en a vu aussi tomber ; deux champs d’atterrissage avaient été établis.
« 2 avions ont survolé nos maisons, l’un a largué ses bombes pour s’alléger. La vaisselle des placards a été cassée sous le choc ; une grosse couche de terre avait recouvert la toiture »
A côté de la Mesnardière, un poste d’observation de l’armée française avait été démonté dès 1939, les Allemands l’ont reconstruit pour surveiller le passage des ennemis.
« Par temps clair, avec des jumelles, on peut voir le Mont Saint Michel »
Près de ce village, un avion anglais a été abattu 2 aviateurs ont réussi à s’éjecter, peut-être ont-ils été dénoncés puis arrêtes par les Allemands ??
« Enfants, nous étions intriguées par des bandelettes en papier brillant larguées par les avions sur le taillis de La Hérouse tout proche de La Mesnardière » Les Anglais les appelaient les ‘windows’, leur but était de brouiller les radars et de désorganiser l’aviation allemande.
Des Allemands désorientés :
Avec le débarquement, les Allemands jetaient leurs armes dans les fossés. Ils essayaient de s’enfuir par tous les moyens.
« Nous kaput, nous changer nos habits avec vous »
Certains ont été faits prisonniers dans le bourg et enfermés dans la remise de M et Mme Heuveline près de l’église. D’autres ont logés dans un bâtiment agricole à l’Emondière….
« Mon père m’a raconté que l’un d’eux ricanait, il a été fouillé, il avait caché un poignard dans le bas de son pantalon »
« Il m’a aussi dit que dans notre village des armes avaient été cachées sans doute au moment de la débâcle française et ont été recouvertes d’une dalle en béton. D’autres armes provenaient aussi du largage du site du Panama à Fougerolles »
Une anecdote sur les villages des Vaux et de Maison Rouge :
Dans le taillis une pièce d’artillerie avait été installée pour tirer sur les Américains qui venaient de Chambresson.
Allemands sortirent du bois sans se méfier en pensant que c’étaient les leurs qui arrivaient. Les Américains leur ont tiré dessus, en ont blessé un qui fut conduit à l’hospice de Fougerolles. Les 2 soldats alliés sont repartis à toute vitesse en marche arrière jusqu’au village de la Fosse ; eux aussi ont eu peur, ils ignoraient le nombre d’Allemands présents dans le taillis »
La vie des habitants sous l’occupation :
Les réquisitions :
Les vélos, le bétail les volailles, le lait, les œufs….
« Les Allemands les adoraient, ils en ont même pris sous une poule qui couvait !!!! »
« Nous avions des tickets de rationnement, on manquait de tout »
« Ma mère avait une jument et elle disait :je ne leur donnerai pas, ils peuvent me tuer mais je la garderai »
Les hommes étaient réquisitionnés pour creuser des ‘espèces de guérite’ dans les talus afin de protéger les soldats allemands en cas d’attaque. Le maire était obligé de désigner des volontaires, le garde champêtre dirigeait les travaux sous la surveillance des Allemands.
Les agriculteurs ont aussi, par la suite, été sollicités par la résistance pour transporter des armes du Panama larguées à Fougerolles.
« Mon père m’a dit que le commandant Eric était venu le solliciter » Jack Hayes dit Eric avait la charge d’informer les Alliés sur les défenses ennemies.
Le couvre-feu : il fallait le respecter : les portes et les fenêtres devaient être calfeutrées »
Le système D :
Les gens n’avaient pas de tabac, ils utilisaient des feuilles de noyers et de châtaigniers finement coupées, on faisait aussi griller de l’orge.
« Pendant la guerre, les gens étaient limités par mois pour avoir du tabac ; quand on achetait un paquet de tabac, il fallait rendre le vieux paquet sinon, nous n’en n’avions pas d’autre »
Les jeunes eux aussi avaient des idées ; ils mettaient des chiffons dans les pneus des vélos car ils n’avaient pas de chambre à air.
Les femmes faisaient carder leur laine à l’usine de Fougerolles.
« Les chaussettes étaient rêches, elles grattaient les jambes. Ma mère taillait les vêtements dans de vieux draps et elle les teignait en vert, rouge, gris… »
Les réfugiés : Ils étaient nombreux à cause la bataille de Normandie mais certains sont arrivés dès le début de la guerre. Ils venaient de l’Aisne, Vire, Saint Lô, Nantes…Ils étaient logés dans les fermes comme à la Piffetière, à la Tailleferrière… ou dans le bourg au presbytère ou chez M et Mme Lefeuvre…
Un enfant juif, Sylvain Algasi, a été caché à La Longraie chez la famille Paillard qui a reçu la médaille des Justes en 2015. Beaucoup d’enfants juifs ont été placés à Fougerolles et Landivy
Bilan :
Tous ces témoignages sont marqués par la peur, l’angoisse, l’absence d’un membre de la famille. Les habitants ont eu une vie difficile qu’ils ne voudraient pas revivre.
Avec l’arrivée des Américains comme partout en France et dans les territoires occupés, on assiste à des scènes de joie, enfin La LIBERATION.
Merci aux habitants de La Dorée qui ont accepté avec gentillesse de témoigner sur cette Histoire et leur histoire.
Christine Lagrève
Les Américains à Fougerolles
Sylvain Algazi avec la famille Paillard